Filature. [With Secchan]

Le prof donna son accord pour que rien ne change. Hana s'inclina très légèrement pour saluer l'homme, fit de même pour sa camarade, puis tourna les talons et quitta la salle de cours. Elle marcha d'un pas léger dans les couloirs, éclairés par le doux soleil d'automne. La princesse réfléchissait aussi à son programme de l''après-midi.

Elle prévoyait de continuer le kimono qu'elle avait commencé à coudre. Ses vêtements, elle les réalisait entièrement à la main, comme elle l'avait appris, ils n'en étaient que plus beau. Ce qu'elle aimait par-dessus tout dans ce travail long et fastidieux, c'était le choix des tissus, la concordance des couleurs et toutes ses choses. C'est dans ses moments la qu'être petite était un avantage. Mine de rien les matériaux qu'elle choisissait coûtaient chères.

Ensuite, pour être sûre d'être en pleine forme le lendemain, elle décida d'aller se coucher a 19h30. Elle se devait de faire attention à son teint, être pâle oui, mais ressembler à un revenant à causes des signes de fatigues qui sont toujours visibles sur la peau, non. D'après elle, une fille qui devait user d'artifices pour être belle, ne l'était pas vraiment. De plus elle dépensait toutes ses économies en Tissus. Elle avait pour l'instant une vingtaine de kimono plus ravissants les uns que les autres, mais elle voulait un choix plus vaste... Elle voulait pouvoir en avoir un pour chaque occasions, chaque humeur aussi. Le jour où elle serait triste, elle ne mettrait pas le même vêtement qu'un jour ou son humeur serait joyeuse. Quand on y pense un visage peut être beau au naturel, mais un vêtement, lui se devaient de bien pouvoir mettre en valeur une personne. Il se devait aussi de concorder au rang de cette dernière.

Mais pour l'instant, là n'était pas la question. Hana se sentait suivie. C'est pourquoi elle tournait en rond dans les couloirs, espérant que la personne qui l'espionnait ainsi, se lasse et reparte. Après tout, elle, avait toute sa journée.

Toujours animée par le même désir de connaissance, Setsuna Sakurazaki suivait discrètement la fille au kimono. La kendôka, elle, était habillée assez ordinairement. En haut, une chemise blanche à col autour duquel était nouée une cravate portant l'écusson du Lycée Wakuri ; en bas, une jupe à carreaux soigneusement accordée à sa cravate, car Setsuna avait une sainte horreur des vêtements qui n'allaient pas ensembles. En dessous, un short moulant noir, car c'était plus pratique en cas de combat et que le moindre coup de vent offrirait aux passants une vue imprenable sur sa culotte en dentelle. Ses cheveux étaient attachés en une queue de cheval latérale, comme elle avait l'habitude de le faire quotidiennement. Même si les cheveux détachés la rendaient plus mignonne, cette coupe permettait de ne pas avoir de soucis de vision en cas de combat. Setsuna n'était pas une guerrière pour rien, elle préférait être prévenante. Elle portait d'ailleurs toujours son sabre dans une sacoche, même en cours. Bien sûr, le lycée était au courant de l'activité de la jeune fille et ne voyait pas d'inconvénient à ce qu'elle porte une arme sur elle ; elle était digne de confiance.
Heureusement pour la jeune fille aux airs de garçon manqué, les couloirs su lycée fournissaient pas mal de cachettes. Croyez-le ou non, Setsuna s'était faufilée dans une bouche d'aération, et essayait tant bien que mal de ramper à l'intérieur, résistant à la chaleur intenable de l'endroit. Le métal sur lequel elle avançait commençait à devenir chaud. Elle avait pris des risques certes, mais pas pour n'importe quelle cause. Elle réussisait à suivre Hanabi grâce à son ouïe développée, acquise grâce à son entraînement régulier.

*Si je continues à rester là-dedans, je vais finir par suffoquer ...*

Après un assez long moment de filature, Setsuna commençait à perdre haleine. Ses genoux commençaient à la brûler, ainsi que ses mains. Consciente qu'elle prenait trop de risques pour quelqu'un qui n'en valait peut-être pas le coup, elle décida de s'échapper le plus vite possible de cet endroit hostile.
Furtivement, la jeune fille se hissa hors de la bouche d'aération et atterit par terre sans bruit - l'ouverture se trouvant en haut d'un mur.
Elle attendit quelques secondes que la fille aux cheveux d'ébène s'éloigne avant de reprendre le souffle qu'elle avait failli perdre.

*C'était moins une !* se dit-elle.

Tout à coup, elle eut un mauvais pressentiment. Vous savez, quand au fond de vous, une alarme s'enclenche, comme si quelque chose de tragique allait arriver, mais que vous ne sauriez dire quoi exactement. Comme un danger que l'on peut prévoir.
Setsuna, qui se trouvait au milieu du couloir, fit un bond sur sa gauche. En effet, elle eût raison de se pousser.
Une 'horde' d'adolescents rebelles glissaient dans le couloir à rollers, et ne semblaient pas faire attention au monde qui les entouraient ; ils avaient tous un casque de musique sur les oreilles. Si la guerrière ne s'était pas poussée, elle se serait sûrement fait éjecter.
Mais il y avait quelque chose de bien plus important : Hanabi se trouvait à présent sur la passerelle, sorte de pont suspendu qui reliait deux bâtiments du lycée - le bâtiment des Clubs et le bâtiment d'Enseignement. Les inconscients fonçaient droit sur elle.
Il ne fallu pas plus d'un centième de secondes pour que Setsuna réagissent.
La fille aux cheveux noirs marchait délicatement sur la passerelle, comme si elle se déplaçait sur un sol couverts d'oeufs qu'elle ne voulait pas casser. Entendant sûrement un bruit, elle se retourna. Trop tard.

SBAM

Percutée de plein fouet, la nouvelle élève fut propulsée hors de la passerelle, dans le vide.
Dans quelques secondes, elle ne serait plus qu'un tas informe de chair et d'os.

...

Puis en une fraction de secondes, Setsuna rattrapa Hanabi, ayant prévu son arrivée au millimètre près. Tenant une fille dans ses bras, la jeune timide se mit à rougir de façon extrême, si bien qu'elle baissa la tête pour limiter les dégâts visuels.

"Vous ... Vous ... V ... Vous ... Allez bien ?" bégaya-t'elle pour s'assurer que la victime était saine et sauve.

Hana tremblait. Elle tremblait comme une feuille... Les yeux grand ouvert elle fixait un point inexistant, rassemblant ses idées, ses pensées, faisant de l'ordre dans sa tête. Sa vie avait faillit la quitter à tout jamais, elle le savait. Voir la mort d'aussi près avait été une expérience, certes. Mais une expérience qu'elle ne retenterait pour rien au monde.

Passé le choc, une douleur, vive, se fit sentir dans son bras, à la hauteur du coude. Ce dernier avait été percuté trop fort et il s'était cassé. Une personne normale aurait simplement éjecté, mais elle avait eu la malchance de naître avec cette fragilité. Ses os tenaient moins le coup, il était beaucoup plus facile de les briser. Elle avait eu de la chance d'être sur le côté au moment de l'impact, sinon, qui sait ce qui serait arrivé.

Elle se tenait le bras, faisant bonne figure. Pour rien au monde elle continuerait de s'appuyer sur cette jeune fille, qui avait déjà tant fait. Alors, quand cette dernière lui demanda si ça allait, elle acquiesça, tout simplement.

Le problème, c'est que la noiraude avait déjà peur de quitter sa chambre. Mais maintenant qu'on lui avait prouvé que ce monde était bel et bien dangereux, elle n'avait plus l'intention de reprendre le risque de sortir.

Setsuna tenait donc entre ses bras la jeune fille, rattrapée juste avant un crash évident. Celle-ci tremblait, sûrement par la peur extrême occasionnée par cette chute.
Elle répondit par une réponse positive, ce qui rassura Setsuna. Et pourtant ... Elle se tenait le bras. Avait-elle un problème à cet endroit ?

"Votre bras vous fait-il mal ?"

La guerrière, par miracle, ne bégayait plus, ce qui la mettait en confiance face à une telle situation.
Son bras avait sûrement besoin de soins. Elle devait souffrir. Setsuna avait horreur de la souffrance. Sans attendre de réponse de Mlle. Okuri, la jeune fille commença à se diriger vers le bâtiment de l'Infirmerie.
Elle tenait toujours la fille de petite taille dans ses bras, comme un prince portant sa princesse. Setsuna continuait de rougir, et elle savait très bien que cela pouvait porter à confusion. Même si ses sentiments étaient confus, elle savait qu'il ne se passerait rien entre elle et la jeune fille. Enfin, elle en était presque certaine.

"Mademoiselle Okuri, n'hésitez pas à me dire si je vous fais mal."

La mi-démone mi-ange espérait de tout coeur une réponse de sa camarade, pour avoir l'honneur encore une fois d'entendre le timbre de sa voix ...

Setsuna avait remarqué que la jeune princesse avait mal, elle commença alors à marcher en direction de l'infirmerie. Hanabi se laissait faire, elle n'était pas encore remise du traumatisme qu'avait été cette chute.

Elle se sentait si bien dans les bras de celle, qui, quelques minutes au par avant, l'avait épargnée d'une mort certaine. Biensur, si elle n'avait pas aussi mal, si elle n'avait pas été percutée par ces garçons, qui, elle l'espérait, se feraient virer de l'école, elle aurait fait remarquer à sa camarade qu'elle savait marcher et que si elle avait vraiment envie d'aller àl'infirmerie, elle s'y dirigerait d'elle-même. Mais voilà, ça ne c'était pas passé comme ça. Elle mit donc sa fierté ainsi que son auto-suffisance de côté et ce laissa amener là-bas.

"Mademoiselle Okuri, n'hésitez pas à me dire si je vous fais mal."

Elle ne répondit encore une fois que par un signe affirmatif de la tête. Car voilà, elle n'aimait pas parler et encore moins aux gens qu'elle ne connaissait pas

Hanabi semblait ne pas aimer parler, car elle répondit encore une fois d'un signe de la tête. Setsuna n'arrivait pas à la cerner. Cette jeune fille paraissait froide, dénuée de sentiments. Cela décevait un peu la guerrière ailée, qui s'attendait à un peu plus de reconnaissance, l'ayant sauvé d'une mort certaine.
Setsuna marchait assez lentement pour ne pas blesser encore plus la jeune fille. Elle gardait le visage haut, et ne regardais pas en bas. Elle savait où elle allait, et si elle regardait vers le sol, elle savait aussi qu'elle allait y trouver les beaux yeux de sa camarade ; ce qui serait le déclenchement d'une crise de rougissement impossible à arrêter.
Tandis qu'elles avançaient vers le bâtiment, Setsuna sentait la légère brise caresser son visage. Cela lui rappela la chaleur étouffante de la bouche d'aération, totalement opposée à cette douce fraîcheur qui se promenait sur ses joues de façon délicate.
Elle se dit d'ailleurs que, si, par un élan incompréhensible, elle n'avait pas suivie Hanabi, celle-ci serait à présent six pieds sous terre.
Mais il ne fallait plus y penser, tout cela était terminé à présent, même si la fille aux longs cheveux noirs allait porter le stigmate de sa chute pendant un certain temps.
Finalement, les deux filles arrivèrent à l'entrée de l'Infirmerie.
L'ange démone déposa doucement Hanabi au sol de façon à ce qu'elle puisse poser les pieds à terre. Elle la lâcha lentement, comme pour profiter des derniers instants de ce contact physique, d'ailleurs pas si désagréable que ça.

Setsuna posa délicatement Hana sur le sol, devant la porte de l'infirmerie. Elle l'observa une minute, peut être deux. Elle remarqua donc à quel point sa camarade était jolie avec ses grands yeux bruns tirant sur le noir... Puis elle se décida à lui adresser la parole. Elle avait réfléchi à ce qu'elle lui dirait exactement:

"Merci beaucoup pour tout à l'heure... J'ai une dette envers toi."

Elle attendit quelques secondes, pour avoir une idée précise de la prochaine formulation de phrase, puis continua:

"Si tu as besoin, ou envie de quelque chose, n'hésite pas à me le demander..."

Les cours avaient repris depuis bientôt dix minutes maintenant. C'est pourquoi, plus personne ne traînait dans les couloirs, pour le coup devenus déserts. Bien que plus rassurée, Hana attendait encore avec impatience le moment où elle pourrait retrouver sa petite chambre douillette. Mais par politesse pour sa camarade qui l'avait amenée jusqu'ici, elle irait d'abord faire vérifier son bras. Elle savait déjà comment ça allait se passer:

Premièrement l'infirmer l'examinerait, ce qui dans sa tête signifiait surtout qu'un homme allait la déshabiller puis la toucher, même pour faire une diagnostique, un homme tel que lui n'avait en aucun cas le droit de toucher une femme de son rang. À la rigueur si l'infirmer avait était une femme...

Deuxièmement, elle connaissait déjà le verdict. Son bras était cassé, elle n'avait pas besoin que quelqu'un le diagnostique pour le savoir, car elle connaissait son corps, ses forces, ainsi que ses faiblesses. Sa faiblesse n'en était pas qu'une. C'était aussi un handicape, certes pas visible au premier regard, mais ça ne changeait pas le fait qu'il était lourd à porter.

Et troisièmement, elle savait ce qu'on lui dirait: "il faut que tu ailles à l'hôpital". L'hôpital, autrement dit, endroit remplis de monde, en pleine ville, où on mange de la nourriture infecte et où on passe sa ville a moitié a poile. C'était pile le genre d'endroit qu'elle ne supportait pas.

Elle attendait donc la réponse de Setsuna, en espérant qu'elle prenne son temps, repousser le calvaire, d'au moins quelques minutes.

Après un long silence entre les deux jeune filles, Hanabi prononça enfin quelques mots.
Le coeur de Setsuna faillit cesser de battre. Cette voix ... C'était indescriptible. Chaque mot, chaque syllabe entrait délicatement dans l'oreille de la guerrière et l'apaisait jusqu'au plus profond de son âme. Jamais un son ne l'avait rendu dans cet état, même le bruit du sabre sortant de son étui.

"Merci beaucoup pour tout à l'heure... J'ai une dette envers toi. Si tu as besoin, ou envie de quelque chose, n'hésite pas à me le demander..."

Setsuna ferma ses paupières quelques secondes, puis les rouvrit pour enfin répondre à la jeune fille.

"Je vous en prie, Mademoiselle. Ne vous sentez pas obligée de me rendre la pareille, je n'ai fais que mon devoir ; j'étais juste là où il fallait au bon moment."

Cela dit, la kendôka s'inclina, puis tourna les talons et reprit son chemin. Elle préférait ne pas se retourner ; quitter cette jeune fille lui était assez dur comme ça.
Mais après quelques mètres, elle ne put s'empêcher de se rétracter dans son choix. Elle voulait terminer son 'travail'. Peut-être qu'Hanabi lui parlerait plus si elle se montrait chaleureuse ...

"Venez Mademoiselle, allons dans un endroit moins hostile, si vous le voulez bien."

Setsuna allait la laisser, maintenant. Elle allait devoir "accomplir" son cauchemar, seule. Oui, car dans ce monde, tout le monde fini par l'être un jour. Elle elle l'a toujours été...

Puis finalement la kendoka se retourna, apparemment revenue sur sa décision.

"Venez Mademoiselle, allons dans un endroit moins hostile, si vous le voulez bien."

Le soulagement qu'elle éprouva à ce moment était bien plus fort que la douleur, pourtant extrêmement vive. De ce fait elle esquissa un sourire pour son amie. Elle suivit donc Sakurazaki, toujours en se tenant le braset sans essayer de démarrer une quelconque conversation.

Ce qu'elle aimait chez Setsuna, c'était sa formalité, sa politesse. Peu de gens de ce monde dans lequel elle venait d'atterrir, ne lui parlait comme ça. Hana n'aimait pas les familiarités trop vite accordées. Elle préférait prendre son temps à ce niveau-là. Aimer la personne autant qu'une soeur, ou 'un frère, avant d'avoir de réelles contactes physiques avec cette personne (en excluant les sauvetages évidemment)....

Hanabi suivait donc Setsuna, et elles marchaient toutes deux vers un endroit que ni l'une ni l'autre connaissaient. Pour une fois, la jeune lycéenne n'avait pas réfléchi. Mais elle allait quelque part, et Mlle. Okuri la suivait, c'était tout ce qui comptait. Désormais, il fallait l'emmener dans un lieu sûr.
Après quelques minutes de marche éloquentes, les deux filles, qui commençaient doucement à devenir amies, s'arrêtèrent.
Elles se trouvaient dans un couloir vide, que personne ne semblait emprunter. On eût dit qu'il n'avait même jamais été piétiné par un quelconque être.
Setsuna fouilla dans sa petite sacoche. Elle avait pris l'habitude il y a peu de temps de prendre sur elle un petit sac dans lequel elle mettait toutes sortes de choses, le plus souvent utiles bien entendu. Aujourd'hui, c'était le cas. Elle en avait besoin.

"Asseyez-vous je vous prie, Mademoiselle."

Comble du hasard, il y avait une chaise abandonnée, laissée seule dans cet immense couloir. Hanabi s'exécuta sans se plaindre ; alors que sa blessure n'avait pas l'air superficielle, loin de là. C'était parfait. Setsuna n'en demandait pas plus. Okuri-san pouvait alors reposer ses jambes et cibler sa douleur.

"Bien ... Donnez-moi votre bras s'il vous plaît."

Elle semblait hésiter, mais finalement elle lui donna son bras. Setsuna ne put se retenir de rougir face à ce contact peau contre peau. Un frisson lui parcouru le dos, mais elle n'y fit pas attention. Après tout, ce n'était pas normal. Elle ne pouvait pas avoir ce genre de sentiments. Avait-elle le droit ? Elle ne le savait pas. Elle n'osait pas se l'avouer. Trop honte, trop peur.
Déroulant le bandage, elle entoura délicatement la partie cassée du bras de la fille accidentée. Cela paraissait lui faire mal ... Mais il fallait passer par cette étape pour calmer la douleur.

"Bon ... Avec cela, vous devriez avoir moins mal. Je ne suis pas médecin, mais je sais ce qu'il vous faut : du repos."

Après cette dernière phrase, Setsuna s'inclina pour de bon, plongea encore une fois son regard dans celui d'Hanabi, puis se retourna et traça son chemin, sa queue de cheval se balançant au rythme de ces pas.